Catherine Bellemare, CPA, nommée Directrice générale adjointe du Centre de Référence du Grand Montréal
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Lire la suiteLa consommation de drogues n’est-elle qu’une affaire d’hommes? Pendant des décennies, une croyance a persisté selon laquelle les femmes consommaient beaucoup moins que les hommes. Les chercheurs, majoritairement des hommes, concentraient alors leurs études sur la consommation masculine. Des chercheuses ont progressivement développé des études plus inclusives, mais leurs résultats étaient ignorés ou minimisés dans les publications académiques, principalement dirigées par des hommes.
Avec le temps et l’arrivée de plus en plus de femmes dans les milieux universitaires, la recherche a pu démontrer que les femmes consommaient, et beaucoup plus que l’on ne pensait. Aujourd’hui, si les statistiques montrent encore certaines différences entre hommes et femmes, elles sont parfois minimes, et cet écart tend à se resserrer. Pourtant, les femmes restent largement sous représentées dans les parcours de soin en dépendance. Explications.
De plus en plus, les questions de dépendance aux drogues sont vues comme un enjeu de santé publique, plutôt que de criminalité. Malgré cela, une forte stigmatisation des personnes qui consomment persiste. Celle-ci se présente sous trois formes différentes :
Ces trois formes de stigmatisation peuvent entraîner des conséquences majeures sur toute personne qui consomme des drogues. Toutefois, on remarque qu’elles sont plus fortes encore dans la population féminine. Dans une étude franco-québécoise parue en 2023, les femmes interrogées considéraient notamment « que le fait d’être une femme est associé à des attentes et à des pressions élevées, en lien par exemple avec leurs responsabilités parentales et à leur apparence physique. »
En effet, le poids de la parentalité pèse plus lourd sur les épaules des femmes. Quels que soient les choix personnels de ces dernières, on persiste encore à associer systématiquement, voire réduire les femmes à la maternité. Or, le rôle de mère est perçu comme incompatible avec la consommation de substances et alimente une forte stigmatisation sociale. Certaines mères renonceront même à parler de leur consommation à des professionnel·les de santé par crainte de perdre la garde de leur·s enfant·s.
Il existe un lien direct entre la stigmatisation des personnes utilisatrices de drogues et leur accessibilité à des parcours de soins adaptés. Il s’agit d’un cercle difficile à rompre : plus la stigmatisation sociale est forte, plus l’auto-stigmatisation, la honte, se renforce. Plus la honte se renforce, moins on a tendance à demander de l’aide. Moins on demande de l’aide, moins les services de soins s’adaptent, et plus on s’éloigne du processus de déstigmatisation.
Ces services inadaptés alimentent alors une méfiance envers le système de la part des femmes. On peut lire dans une récente étude « l’importance de se sentir dans un espace sécuritaire qui leur permettrait de révéler certaines expériences sensibles, par exemple liées à des traumatismes. »
La honte et la méfiance s’ajoutent à d’autres barrières dans l’accès aux soins, et notamment celles qui découlent de l’inégalité persistante entre les genres dans la société en général. On sait en effet qu’aujourd’hui encore, les femmes ont plus souvent des revenus inférieurs à ceux des hommes, des emplois plus précaires, plus de responsabilités familiales et représentent aussi la majorité des familles monoparentales. Autant de facteurs qui rendent beaucoup plus difficile l’accès aux soins, même quand un appel à l’aide a été lancé.
Cette présence minoritaire des femmes à travers les différents parcours de soins rend également plus difficile l’évaluation de l’efficacité des programmes et de leur capacité à répondre à leurs besoins spécifiques. On remarque par ailleurs que différents projets de recherche rencontrent des difficultés à recruter des candidates parmi les femmes ayant intégré un parcours de soin et ce, pour des motifs similaires de méfiance. Ces travaux de recherche sont pourtant d’une grande importance pour identifier les besoins spécifiques de certains publics, et ainsi mieux y répondre.
Se poser la question de la stigmatisation spécifique aux femmes est un pas dans la bonne direction. Les différentes études citées plus haut, dont certaines sont très récentes, démontrent l’intérêt porté par les milieux de la recherche à mieux comprendre cet état de fait. Si beaucoup reste à faire, ces travaux permettront de contribuer à guider les systèmes de santé et de services sociaux vers des pratiques plus inclusives pour les femmes, ainsi que pour les personnes issues de la diversité de genre.
À Drogue : aide et référence, nous constatons que la proportion de femmes qui utilisent notre service est plus élevée que leur représentation réelle dans les parcours de soin. Karine Bertrand, invitée à s’exprimer lors de notre événement-bénéfice de 2023, y voit un signe que la confidentialité du service, ainsi que son mode d’intervention entièrement à distance, en font une piste sérieuse et efficace dans la prise en charge des femmes utilisatrices de drogues et la lutte contre la stigmatisation.
Part d’hommes et de femmes dans différents services de soin en dépendances
Les diagrammes ci-dessus donnent un aperçu de la sous-représentation des femmes dans certains parcours de soin, comparée à la quasi-parité dans le volume de demandes d’aide reçues par nos services. Ces chiffres sont présentés à titre d’exemples et ne remettent pas en question la qualité des soins offerts aux femmes dans ces services, ni leur capacité à accueillir davantage de femmes.
C’est d’ailleurs une bonne occasion de rappeler que notre service est accessible gratuitement 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, à travers tout le Québec :
Contactez-nous par téléphone au 1 800 265-2626, ou par clavardage en bas à droite de l’écran. Notre équipe offre écoute, soutien, information et référence.
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